Interview de Rémi Masson

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A l’aube de la sortie de son prochain livre « Eaux Douces des Alpes » en Septembre prochain , j’ai souhaité vous faire découvrir ce  photographe talentueux et  hors du commun ; Rémi Masson spécialisé dans la photographie subaquatique en apnée.

Cet interview vous fera découvrir l’univers bien particulier de Rémi , celui des profondeurs des eaux des  lacs et rivières de nos montagnes  . Ces milieux particulier le fascinent depuis son adolescence , il a acquit au fil du temps une  grande expérience  et une réelle maîtrise  dans le domaine de la photographie en apnée , récompensées d’ailleurs par de nombreux prix ces dernières années .

Rémi est avant tout un amoureux des ambiances aquatiques et de la Nature , très sensible à l’évolution de l’ environnement , il souhaite au travers de ses photographies et de son dernier ouvrage témoigner de la beauté et nous sensibiliser à la fragilité de ce monde immergé  très peu connu pour la plupart d’entre nous .

 

 

001 Portrait Rémi Masson

 

 

-Rémi en quelques lignes pourrais-tu te présenter ?

Depuis combien de temps pratiques-tu la photographie et comment est venue cette passion  pour la photographie et plus particulièrement celle de la photographie subaquatique?

Bonjour,

J’ai 29 ans et suis originaire d’Annecy, jolie petite ville de Haute-Savoie. Je suis marié et depuis l’année dernière l’heureux papa d’un petit garçon. Je suis professeur de Biologie de métier et aussi longtemps que je me souvienne ai toujours été attiré par la nature. Mon parcours photographique est un peu atypique car ma première passion est la plongée et j’ai donc commencé par la photo subaquatique avant même la photo « terrestre ».

J’ai pris mes premiers clichés en argentique sous la surface du lac d’Annecy tout proche il y a une quinzaine d’années. La photo est avant tout pour moi un moyen de capturer la magie d’une ambiance, d’une rencontre ou parfois simplement garder un souvenir d’un bel endroit et me donner envie d’y retourner. Partager mes découvertes, faire mieux connaitre ces milieux d’eau douce fait aussi partie de mon plaisir.

010 Rémi Masson

 

-Tu pratiques la plongée en apnée, pourquoi ce choix ?

J’aime pratiquer en apnée car cela permet de faire corps avec le milieu et me laisse une totale liberté de mouvements. Lorsque j’évolue sous l’eau je ne me sens pas étranger mais au contraire dans mon élément. Les poissons doivent aussi sentir cela et se montrent très peu craintifs. J’aime aussi l’aspect sportif de cette approche et si je peux rester de longs moments immobile, je n’hésite pas aussi à parcourir de longues distances en palmant.

 

brochet
Brochet

– Quels sont les avantages mais aussi les inconvénients de cette pratique si exigeante?

Un des autres avantages de l’apnée est de me libérer d’un certain nombre de contraintes matérielles comme de planifier sa plongée (remplissage des bouteilles de plongée, révision du matériel) ou de surveiller le temps en vue des paliers de décompression. Je peux ainsi décider d’une sortie le jour même, ce qui est très confortable. Pour ce qui est des inconvénients, à part d’être limité en profondeur aux 20 premiers mètres, je n’en vois pas. Ce n’est d’ailleurs pas une grosse contrainte car en lac la vie se concentre pour l’essentiel dans les 10 premiers mètres.

-Il faut certainement un entrainement approprié est-ce le cas ?

Il faut bien sûr un minimum de souffle. Pour pouvoir explorer le milieu et aller à la rencontre des espèces qui y vivent il faut être capable de rester  un petit moment sous l’eau. Lorsque j’avais 18 ans, je faisais des exercices réguliers de respiration et pouvait tenir 5 mn30 en apnée statique. Aujourd’hui je ne m’entraine plus mais continue à plonger régulièrement si bien que rester 2 minutes sous l’eau ne me pose pas de problème. C’est généralement largement suffisant pour prendre un cliché.

-Quel  matériel utilises-tu, quels particularités doit il avoir ?

Aujourd’hui j’utilise principalement un reflex 5D mk II avec un objectif 15mm f2,8 dans un caisson étanche spécifique équipé d’un dôme. En photographie subaquatique les téléobjectifs sont inutilisables car la couche d’eau entre le sujet et le photographe ferait perdre à l’image tout son piqué. Pour un maximum de détails Il faut se rapprocher au plus près du sujet et donc utiliser des objectifs macro ou grand angle suivant la taille de ce que l’on veut photographier.

-Pour photographier en eaux troubles, utilises-tu des flashs par exemple ?

Non, pour plusieurs raisons j’ai bannis le flash de mon équipemement photo subaquatique. D’abord parce que ces derniers (on en utilise généralement deux) sont souvent inutiles proche de la surface et pourraient se montrer encombrants. Ensuite parce que, excepté peut être en macro, je trouve le rendu un peu artificiel. Je préfère utiliser la lumière naturelle, beaucoup plus douce. Ce choix complique cependant sérieusement la photographie de certains sujets aux moeurs nocturnes comme le castor. Mais je ne regrette pas ma décision car l’éclair d’un flash est sans doute une expérience traumatisante pour ce sympathique animal.

-Quels sont tes sujets favoris et pourquoi ?

Je m’intéresse à à peu près tout ce qui vit sous la surface, excepté la très petite faune. Mais j’ai bien sûr quelques préférences. Le silure par exemple parce qu’avec une taille dépassant les 2,5 m pour une centaine de kilos il s’agit du plus gros poisson de nos eaux douces. J’ai vécu des moments incroyables au milieu de plusieurs dizaines de ces poissons réunis en une boule de plus d’une tonne. Un phénomène inconnu jusqu’alors et qui a fait l’objet ensuite d’une publication du CNRS, en collaboration avec un chercheur de l’Université de Toulouse.

Le silure
Le silure

Les crapauds aussi sont fantastiques à observer et photographier pour leurs attitudes très humaines sous l’eau. Les hotus également au moment de la reproduction car ils remontent alors les rivières par centaines tels des saumons. Je pourrais citer aussi les feras dans les lacs alpins, tellement gracieux. Sans oublier bien sûr les castors…

Les hotus
Les hotus

Côté flore, j’aime les nénuphars pour leur graphisme, mais aussi les grands massifs de « queues de renards », une plante aquatique qui forme de véritables forêts sous l’eau. Il y a aussi les algues filamenteuses presque fluorescentes parfois.

Comme on peut le voir la liste est longues et je ne suis pas prêt de m’ennuyer.

002 Rémi Masson

 

-Comment choisis -tu tes lieux  ou tes  sujets à photographier ?

Je choisis mes lieux en fonction d’un seul critère : ceux-ci doivent être le plus sauvage possible. C’est pourquoi je me suis intéressé très vite aux lacs de haute montagne. Porter mes 30 kilos de matériel sur 1000 mètres de dénivelé ne m’effraie pas. Plus un endroit est isolé, difficile d’accès, plus il va m’intéresser. Je ne suis pas masochiste, ce qui me motive c’est, une fois sous l’eau, d’avoir la sensation d’être le premier à venir ici. Je pense que je tiens cela de mon père qui a pour passion la spéléologie et passe tout son temps libre à explorer de nouveaux gouffres.

Je choisis aussi mes lieux sans à priori et il peut s’agire d’un grand lac, d’un torrent comme d’une simple mare. Je me laisse ensuite surprendre par ce qui s’y trouve et ne suis ainsi jamais déçu. Ce ne sont donc pas les espèces qui guident mes choix au départ, même si je peux revenir par la suite à un endroit de façon plus orientée pour les besoins d’un reportage.

 

Lacs de montagne
Lacs de montagne

-Rémi, toi qui photographies depuis pas mal de temps déjà , constates-tu une amélioration ou une dégradation du milieu aquatique de nos rivières et lacs ?

Les modifications les plus visibles concernent les espèces les plus fragiles comme l’écrevisse à pieds blancs, espèce autochtone  de nos rivières, qui a disparu de beaucoup de cours d’eau où elle était présente il y a à peine quelques années. Pour le reste, les pollutions les plus dangereuses sont invisibles (PCB, pesticides…). Il faut cependant garder espoir d’une amélioration. Croire que la situation est irréversible serait condamner nos fleuves et rivières.

-Tu photographies essentiellement  en eaux douces, pourquoi ce choix ?

J’ai choisis l’eau douce car je suis né au bord du lac d’Annecy, dans une région riche en lacs et rivières. Sous l’eau j’ai mes repères et connais la plupart des espèces que je rencontre. De plus, l’eau douce, généralement plus trouble que le milieu marin, possède un petit quelque chose de mystérieux qui m’attire.

– Verra t’on un jour des images de Rémi Masson de fonds sous-marin ?

Il m’arrive de plonger en mer et de prendre des photos, mais pour faire des choses intéressantes il faudrait que j’y passe beaucoup plus de temps. Pour moi la mer est plutôt synonyme de vacances.

-Si tu as  une image à choisir  de ta  photothèque, qu’elle serait-elle ?

Le choix est plutôt difficile. Beaucoup d’images  m’évoquent des souvenirs.

Peut être cette photo d’un castor semblant nous saluer, même si ce n’est pas ma plus belle photo de ce sympathique rongeur.

Le castor
Le castor

 

 

-Pourquoi celle-ci plus qu’une autre ?

Le castor est un animal difficile à photographier sous l’eau en milieu sauvage (ici un bras mort du Rhône) car il ne sort discrètement qu’à la tombée de la nuit. Réaliser un portrait de lui, dans son habitat, demande de la patience et du temps. Celui-ci est venu me voir jusqu’à toucher le dôme de mon caisson. Tandis qu’il s’approchait je pouvais voir son regard curieux me détailler. J’ai été touché par le fait qu’il ne me considère pas comme une menace et que ce soit lui qui vienne à moi et pas l’inverse. En eau douce, seuls les silures peuvent se montrer aussi téméraires.

-As-tu un regret ? Une photo que tu n’as pas pu  réaliser ? 

J’ai raté beaucoup de photos pour la simple raison que j’ai voulu profiter de l’instant et trop attendu avant de déclencher. Mais je ne regrette rien, ces moments restent dans ma tête à défaut d’avoir une existence matérielle.

– Peux-tu nous dire qu’elle  image aimerais-tu faire ?

Je n’ai pas de projet précis. Je veux découvrir encore d’autres endroits. Si j’en trouve qui me plaisent et que j’arrive à saisir l’atmosphère des lieux ou une scène intéressante je serais satisfait.

-Quels sont les photographes qui  t’ inspirent, dont tu suis  assidument le travail ?

Je suis particulièrement admiratif devant les clichés de Stefano Unterthiner. Il arrive à magnifier la vie sauvage sous toutes ses formes.

-Quels conseils donnerais tu à un photographe qui voudrait se « lancer » dans la photographie subaquatique ?

La photographie subaquatique désigne seulement un type de milieu. A partir de là tous les sujets photographiques et toutes les approches sont possibles, avec cependant selon moi deux limites importantes : le respect de l’environnement et de la faune, ainsi que de sa propre sécurité.

Il ne faut pas hésiter à se montrer créatif et à se documenter pour faire connaissances avec d’autres espèces car il existe une centaine de poissons différents dans nos eaux douces, dont certains ne sont presque jamais photographiés.

Il s’agit cependant  d’un milieu exigeant et faire des photos originales demande du temps. Le mieux pour commencer est d’essayer sans appareil photo afin de tester si on s’y sent à l’aise.

-Arrives -tu à vivre de ta  passion ?

Vivre de la photo serait un rêve. Si j’étais seul, je pourrais peut être, mais ma femme est sans emploi et j’ai un enfant. Mes revenus photo ne suffiraient pas à faire vivre tout le monde. C’est donc une seconde activité, un complément de revenu qui me permet aussi d’assumer les frais matériels de cette passion onéreuse qu’est la photo en milieu aquatique.

-Tu vas sortir un livre le mois prochain  » Eaux douces des Alpes « , peux tu nous le présenter  et nous en dévoiler quelque peu son contenu ?

Il s’agit d’un « beau livre » de 160 pages qui propose de découvrir en images les paysages et les créatures qui vivent sous la surface des eaux douces de la région Rhône-Alpes. Le principe est de suivre le circuit de l’eau depuis les lacs de montagne, les rivières souterraines, les torrents, grands lacs alpins, étangs, jusqu’au fleuve Rhône. C’est un peu le résumé de 15 ans de plongée, illustré par mes plus belles images subaquatiques, mais aussi quelques-unes « terrestres ». Ce n’est cependant pas qu’un simple album photo puisque 30 pages de textes viennent apporter des informations sur chacun de ces milieux d’eau douce, des anecdotes, des conseils photos…

-Pourquoi avoir voulu faire un livre ? 

Le désir de réaliser un livre est né peu à peu. A force d’écrire des articles traitant d’un type de milieu ou de la biologie/comportement d’une espèce, j’ai voulu donner un aperçu global de ce que l’on peut voir sous la surface des eaux douces, tout du moins ce que j’y ai découvert au cours de mes plongées.

J’ai essayé de faire en sorte que chacun puisse découvrir des choses qui puissent l’intéresser en traitant des aspects très divers tels que ce qui se passe la nuit, en hiver, un peu d’Histoire (vestiges préhistoriques immergés)… et en alternant images artistiques ou plus documentaires avec des comportements surprenants expliqués par des légendes détaillées.

 

( Visionnez la vidéo du Livre de Rémi Masson  » Eaux Douces des Alpes » en cliquant sur l’image )

livre

 

-Quel message désires-tu faire passer au travers de ton ouvrage ?

Mon livre ne comporte pas de message particulier car je voulais éviter tout discours catastrophiste ou moralisateur. Je souhaiterais simplement que les gens prennent conscience de la richesse, du point de vue biodiversité, mais aussi esthétique, des eaux douces.

-Comment et où  peux t’on se procurer ton livre et à quel prix?

« Eaux douces des Alpes » est disponible en souscription, jusqu’au 30 Septembre, au prix exceptionnel de 24,90 euros avec les frais de port offert en suivant le lien indiqué sur mon site internet à l’adresse suivante :  http://www.remimasson.com/x1.asp

Le livre sortira ensuite au mois d’octobre au prix de 29,50 (+ 5 euros de frais de port pour une commande par internet). Il sera disponible en librairie dans la région Rhône-Alpes ou sur internet via le site de l’éditeur (Biotope).

007 Livre Eaux douces des Alpes Rémi Masson

 

-Quels sont tes autres projets  immédiats ou futurs (exposition, voyages, reportages, …) ?

Je termine actuellement une collaboration pour un documentaire sur le fleuve Rhône qui sera diffusé sur ARTE au début de l’année prochaine.

Concernant mon livre, j’exposerai cette année à Montier-en-Der du 21 au 24 Novembre puis au festival Natur’Images dans les Vosges les 5 et 6 Avril 2014, ainsi que dans quelques autres festivals dont les dates seront indiquées sur mon site internet lorsque j’aurais eu confirmation par les organisateurs.

Enfin, je continue à écrire des articles sur la faune des eaux douces pour la presse magazine, à raison d’environ une vingtaine d’articles chaque année.

– Le mot de la fin, ou quelque chose à ajouter ?

Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de présenter mes photos et ce premier livre qui représente beaucoup de travail mais surtout la réalisation d’un rêve. J’attends maintenant avec impatience les premiers retours des lecteurs que j’aurais grand plaisir à rencontrer à Montier-en-Der.

Infos pratiques :

Site(s) web : http://www.remimasson.com

 

adresse mail : r.masson@hotmail.fr

2 Responses

  1. Venez découvrir au travers de cet interview le portrait de Rémi Masson , un photographe quine manque assurément pas de souffle et son Univers subaquatique . Vous pourrez parcourir son prochain livre " Eaux Douces des Alpes " et y souscrire jusqu'au 30 Septembre . Rémi est un photographe attachant et très talentueux et véritable amoureux de la Nature .

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