Pour la première fois, il dévoile sa collection personnelle de photographies amateurs, qui a inspiré son film. Ce sont « des couples homosexuels avérés ou mis en scène » des années 1900 aux années 70.
Sébastien Lifshitz raconte son aventure:
Quand j’ai trouvé ces photos aux puces ou dans les vide greniers, j’ai été saisi. L’histoire officielle de l’homosexualité a toujours développé une thèse victimaire : ces vies nous ont toujours été racontées du côté de la souffrance, de la lutte, de l’impossibilité, du suicide…
Et en même temps, je trouvais ces images de toutes les époques, et constatais que les couples avaient l’air heureux. Tout simplement heureux. Il y avait l’expression d’une liberté incroyable. Je me disais que c’était insensé au regard de l’histoire officielle. »
D’autres choses m’interrogeaient : à cette époque-là, pour faire une photo il fallait acheter le film, faire l’image, la porter à un laboratoire, et ensuite récupérer les tirages papier. Ça supposait qu’on acceptait de s’exposer socialement, ne serait-ce que devant le type du laboratoire qui voyait ce que vous viviez. C’était accepter cette exposition-là. Je trouvais ça étonnant, et même contradictoire, sachant ce qu’on a pu nous dire sur la lutte des homosexuels.
“Les Invisibles” est né de ces questions-là. J’ai émis une sorte d’hypothèse : peut-être qu’au fond, la grande majorité des homosexuels ont réussi à négocier quelque chose avec eux-mêmes, leur entourage, la famille, le travail et la société dans son ensemble, soit par la discrétion, soit par une forme d’invisibilité, qui ont fait qu’ils ont pu vivre, plus ou moins bien ce qu’ils étaient. C’était une hypothèse.
Je n’étais pas sûr mais c’est ce que ces images me racontaient : ces vies avaient été possibles avec plus de liberté et peut-être plus d’épanouissement qu’on imagine, même si évidemment, il ne s’agit pas de gommer les souffrances et toutes les lois répressives qui ont réellement existé.
Les Invisibles ( film / Documentaire)
Des hommes et des femmes, nés dans l’entre-deux-guerres. Ils n’ont aucun point commun sinon d’être homosexuels et d’avoir choisi de le vivre au grand jour, à une époque où la société les rejetait. Ils ont aimé, lutté, désiré, fait l’amour. Aujourd’hui, ils racontent ce que fut cette vie insoumise, partagée entre la volonté de rester des gens comme les autres et l’obligation de s’inventer une liberté pour s’épanouir. Ils n’ont eu peur de rien.
Dans le cadre de l’exposition Masculin-Masculin, Sébastien Lifshitz sera l’un des invités du « Café littéraire » qui se tiendra au Musée d’Orsay le dimanche 17 novembre à 16h.