Je vais vous présenter une Interview d’un photographe animalier ; Pascal Gadroy que vous connaissez peut-être si vous cotoyez ce milieu de la photographie, ou si vous avez été dernièrement à l’exposition de Tignécour Natur’Image où vous l’aurez certainement croisé.
Pascal est quelqu’un de simple,de discret , qui est certainement une qualité lorsque l’on est photographe animalier . Pascal un « amoureux fou » de la Nature et très bon photographe entre autre , car il a beaucoup de cordes à son arc ( peintre , infographiste,.. ) que je souhaite vous faire découvrir au travers de cet article.
– EM : Peux-tu te présenter?-Comment est née cette passion pour la photographie ?
P.G :Avant la photo, je suis un fou de nature, depuis que mon grand-père m’emmenait en forêt de Saint-Gobain {02}, je devais avoir 8 ou 10 ans, ensuite ayant toujours eu une passion pour le dessin, j’ai commencé à peindre à l’aquarelle principalement du paysage et de l’animalier, j’avais 12 ans lors de ma première expo, malheureusement je copiais les photos que je trouvais dans les magazines, toujours les photos des autres. À 16 ans j’ai été placé dans un foyer de la DASS, et là j’ai eu à disposition un reflex et un 70/200 mm, dès que je le pouvais je partais en forêt, je faisais quelques images de loin mais suffisamment près pour pouvoir faire mes tableaux.
Au fur et à mesure mes sorties en forêt étaient de plus en plus longues et mon temps passé devant la planche à dessin de plus en plus court, j’avais « chopé » le virus, ma venue dans les Vosges, mes images de lynx et d’autres animaux comme le blaireau, mes rencontres avec de grands photographes n’ont fait qu’amplifier mon besoin de photo nature.
– EM Quel matériel utilises-tu ?
P.G : Je travaille actuellement avec un 5D et un 5D markII, sur lesquels je monte un 500 mm F4 L is, un 24/70 mm F2,8, un 28/300 mm F 3,5/5,6 L is et aussi un multi x1,4, le tout en Canon, j’utilise également un trépied carbone Benro et un rotule Wimberley, de temps en temps un monopode Manfrotto, et bien sûr tout ce qu’il faut en toiles camouflées et accessoires divers…
–EM Quels sont tes sujets ou thèmes photographiques préférés ? Et pourquoi ces sujets ?
P.G :Une grande préférence pour les cervidés, dû à mon enfance en forêt de Saint-Gobain, de plus en plus pour l’ours que j’ai croisé en Alaska en compagnie de Rémy Courseaux et Bruno Donet mais aussi au cours d’expos de Jacques Tournel ou Fabrice Simon.
EM : Quelle est ta démarche photographique ?
P.G :Sacré question!! la photo nature est pour moi ma ligne de vie, bien sûr j’ai des priorités, une recherche de l’image en dérangeant le moins possible, rechercher les indices, trouver les places, déclencher ou pas et surtout partager mais de plus en plus essayer de créer mes photos comme je fais mes tableaux, comme je les ai dans ma tête, réunir le décor, la lumière et avec un peu de chance l’animal, ce qui fait que je passe beaucoup plus de temps en forêt mais que je déclenche de moins en moins.
J’en ai réussi quelques unes comme ce renardeau à contre-jour devant un rideau d’herbes enflammées par les rayons du soleil couchant, 35 h d’affût pour 3 photos mais les 3 photos que je voulais!
Je ne sais pas si j’ai réellement une démarche photographique bien établie, mais je me fais plaisir et de temps en temps j’arrive à faire plaisir et c’est tout ce qui compte pour moi.
-EM Si tu devais choisir une seule image de ta photothèque, quelle serait-elle ? Et pourquoi celle-ci plus qu’une autre ? Peux –tu nous raconter son histoire ?
P.G : 1999 quelque part dans les Vosges versant Alsacien, il est 16h00 nous sommes en novembre il pleut, je rejoins une de mes places d’affût au chamois par un chemin qui le surplombe, avant de descendre le pierrier je regarde s’il n’y a pas d’animaux pour ne pas les déranger, je me rends compte qu’il y a déjà un photographe sur mon affût et des chamois au-dessus de lui, j’allais faire demi-tour quand j’aperçois un gros chat sur un rocher, je me recule pour qu’il ne me voit pas et sors l’appareil de ma parka.
Je m’approche de nouveau du dévers et me rends compte que c’est un lynx qui guette les chamois. Je fais une photo, il me voit, fait demi-tour et rentre dans une plantation d’épicéas.
J’attends peut être une demi-heure et rentre également dans la plantation. À moins de 20m du chemin, il y avait un grand nombre de traces. Je m’assois contre un arbre et me recouvre d’un filet de camouflage. J’attends jusqu’à la nuit mais ne vois rien. Je pars en laissant mes affaires sur place {filets sac et trépied}. Le lendemain, j’arrive vers 15h et le lynx sort devant moi vers 15h30. Je tremble dans tous les sens, l’émotion est vraiment très grande, je déclenche mais le regarde aussi beaucoup.
Il s’assoit, me regarde, s’aplatit derrière des fougères puis se redresse, me tourne le dos et me regarde de nouveau. La scène durera presque 20 mn avant qu’il ne parte. Je l’ai revu de loin 5 fois et depuis plus rien. Cela reste ma plus grande expérience, ma plus belle aventure.
J’ai fait un rouleau que je fais développer le lendemain. Le surlendemain je fais faire quelques tirages en 10×15 cm. Je dépose mes photos au journal l’Alsace et je fais la une le jour suivant et encore quelques articles les 3 semaines qui ont suivies. 2 mois plus tard je récupère mes dias complètement déchirées, il ne me reste plus que mes 5 tirages 10×15 dont cette photo qui a été numérisée par Henry Brousmiche et José Lopez {travail superbe à partir de cette petite image.
– EM As-tu un regret ? Une photo que tu n’as pas pu réaliser ?
P.G -Uniquement sur des images que je n’ai pas encore eu l’occasion de faire, on s’imagine souvent une scène précise, une lumière qui viendrait de telle ou telle façon éclairer l’animal, un peu comme on construit un tableau, la scène est là dans la tête, on s’arrange pour trouver le décor mais c’est rarement suffisant.
-EM Quelle image aimerais-tu faire ?
P.G: Un élan dans un lac d’Alaska avec pour fond le Mont Mac-Kinley au lever du soleil, quelque part du côté de Talkeetna, ou encore un lynx qui chasserait un chamois dans les rochers du Hohneck ou…ou…. j’en ai plein la tête…
–EM : Quels sont les photographes qui t’inspirent, ou desquels suis-tu assidument le travail ?
P.G : Fabrice Cahez a été le premier, c’est lui qui m’a donné envie d’aller plus loin et mon admiration pour l’homme et son travail n’a fait qu’augmenter au fur et à mesure de ses publications et autres expositions, il n’est pas le seul bien sûr, au même titre Vincent et Michel Munier, Rémy Courseaux, Joel Brunet, Philippe Moës mais aussi Bruno Donet, James Baudrillard, Jean-Jacques Zwiebel, Bernard Bischoff, Didier et Teddy Bracard… etc… la liste serait vraiment trop longue à détailler ici tant j’aime le travail des autres photographes.
EM : -Un avis sur le futur du métier de photographe?
P.G : Ça fait peur, non je rigole mais pas trop, on est de plus en plus considéré comme de doux rêveurs qui n’ont besoin que de leur nom à côté de leur image pour être heureux. Je m’explique, je reçois comme tant d’autres des demandes d’images pour illustrer une plaquette, un article, une pub… mais quand on annonce un prix, il n’y a plus personne.
Le nombre d’images gratuites ou à très bas prix étant en augmentation, beaucoup d’annonceurs pensent pouvoir obtenir des photos avec comme rétribution le copyright dessous l’image publiée, ne se font-ils pas d’argent avec leur travail???
Heureusement il y a les agences. Je collabore avec l’agence Naturimages depuis quelques années maintenant, ils font un boulot formidable {plus que moi qui n’envoie que très peu d’images} et tant qu’il y aura ce genre de structures qui propose des photos de qualités sans léser leurs auteurs tout ira encore assez bien.
EM :-En plus d’être un excellent photographe animalier, je sais que tu pratiques d’autres activités autour de la photo et de l’infographie entre autre , pourrais tu nous en dire plus sur ces activités ?
PPG pPPPpOups , merci!!!
Après 20 ans passé à La Poste comme facteur en montagne, je me suis lassé. Je voulais faire quelque chose plus en rapport avec mes passions, le graphisme et la photo, mais également pouvoir être indépendant. Je suis installé comme infographiste multimédia, web designer depuis 1 an, je crée des sites Internet petits ou gros pour des photographes, des artisants, hôtels… L’un des derniers en date est celui de www.saron-photonature.com qui a hébergé le concours photos du même nom et qui a remporté un beau succès. Presque 700 photos participeront et les résultats seront connus lors des rencontres Saron Photo Nature les 26 et 27 mai prochain à Saron-sur-Aube.
–EM : Tu as dernièrement participer à l’organisation de Natur’ Images à Tignécourt avec Frabrice Cahez Exposition que nous avons d’ailleurs présenté sur RevuePhoto dernièrement . Que retires tu de cette expérience et de cette exposition ?.
P.G : En fait Fabrice m’a gentiment proposé de réaliser des images de la manifestation pour le dossier de presse, c’est une modeste participation comparée au travail fourni par toute l’équipe pour nous offrir tous les ans des expos et des diaporamas d’une qualité impressionnante.
Par contre, j’ai participé à Natur’images les 3 premières années avec des diaporamas et aussi avec des expos, c’est toujours une expérience géniale, se retrouver avec des grands noms quand on a mon petit niveau c’est vraiment valorisant et motivant…
Fabrice m’a également proposé autre chose pour 2013 mais chuuuuttt !!! c’est encore un secret!!!
EM – Quels projets as-tu prévu cette année ( voyages , reportages , expositions ,…. )?
P.G : 2 expositions à venir
✓ Le 17 mai à l’écomusée d’Alsace {68}
✓ le 1er festival de la photographie naturaliste du 20 au 22 juillet 2012 à Damelevières {54}
En ce qui concerne un voyage, pour le moment on n’arrive pas à se mettre d’accord, peut être à nouveau Dyrehaven {Danemark} pour le brame, en espérant repartir en Alaska l’année prochaine.
EM :-Le mot de la fin, ou quelque chose à ajouter ?
P.G : Un grand merci à toute l’équipe pour votre accueil, merci également au correcteur qui doit me haïr ;-} en espérant que vous aurez autant de plaisir à regarder mes images que j’en ai à les faire…
Site internet : http://www.demo-surfnature.fr/