Interview de la semaine : Eric MEDARD

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Bonjour Eric, comment t’es venue cette passion pour la photographie ?

Je me souviens, alors que j'avais une dizaine d'années, je regardais des images d'animaux obtenues dans des paquets de chocolat en poudre et je me demandais comment des gens pouvaient s'embêter à photographier des animaux alors qu'il me suffisait d'aller flâner dans les bois pour les voir…

Dix ans plus tard, un épervier venait tuer une tourterelle dans le jardin de mes parents et l'envie irrésistible de témoigner de cet instant terrible me fit acheter mon premier reflex une semaine plus tard : un minolta X300 !

 

Quel matériel utilises-tu ?

J'ai troqué Minolta pour Canon puis j'ai switché fin 2008 pour Nikon. Ils ne proposaient pas de boîtier plein format digne de la photo d'action (et c'est aujourd'hui encore le cas, enfin pour quelques semaines…). J'avais donc opté  pour le D700 et maintenant pour le D3s. Mes optiques vont du 14mm au 500 mm

 

Ton sujet ou tes sujets fétiches ?

J'aime beaucoup les mammifères et les oiseaux. Et j'aime la nuit. Tout naturellement, je me suis spécialisé dans la photo des chauves-souris en vol après avoir attendu des nuits entières au pied des terriers de blaireaux près de la maison de mon enfance.

Chez les oiseaux, je me passionne tout particulièrement pour les rapaces et en particulier pour l'épervier, juste retour des choses !

 

 

Pour ces sujets, as-tu besoin de connaissances diverses supplémentaires (biologie, stylisme…), et si nécessaire, fais-tu appel à d’autres corps de métier ?

J'ai une formation universitaire en Sciences naturelles qui m'a bien sûr aidé. Mais pour certains sujets, il m'a fallu approfondir mes connaissances, en particulier pour les chauves-souris. J'ai longuement lus des ouvrages spécialisés, regardé des centaines d'images pour comprendre leur construction puis me mettre à l'œuvre. C'est aussi à travers cette recherche que l'on construit son projet photographique et que les images prennent vie, d'abord dans la tête puis si ça marche sur le capteur… De nombreuses personnes me demandent comment faire. Je leur réponds toujours mais j'espère qu'elles ne se contenteront pas de copier car cela n'apportera rien. Il faut chercher à faire de nouvelles choses.

Enfin, je n'hésite pas à faire appel aux biologistes ou aux naturalistes de terrain. Ils connaissent souvent mieux que moi les espèces et les lieux où je peux être amené à travailler et cela évite de se tromper ou pire de faire des bêtises.

 

Si tu devais n’en choisir qu’une dans ta photothèque, quelle photographie nous présenterais-tu ? Peux-tu nous en raconter l’histoire ?

Difficile de choisir une photographie, je choisirai donc la dernière ou presque. Une photo qui justement boucle la boucle : l'épervier d'Europe. Ce n'est certainement pas la plus belle mais elle illustre ma manière de travailler. Cette photo est dans ma tête depuis 3 ou 4 ans. Depuis que cet arbre est tombé en travers de la petite rivière qui est en bas de chez moi. J'avais remarqué qu'il utilisait régulièrement ce tronc pendant l'hiver uniquement. J'ai installé un affût depuis tout ce temps jusqu'à ces derniers jours. Les hivers passés, la chance ne m'avait pas souris, ses passages n'étaient pas assez réguliers ou alors je n'y croyais pas assez et puis il a quelques jours, bingo, il est enfin là devant moi. Et de plus, la femelle viendra elle aussi l'affût suivant !

Voilà donc comment je photographie, près de chez moi et en laissant le temps au temps. Rien ne sert de courir derrière des spots ou la photo est facile, où les animaux sont tolérants à la présence des photographes. Bien sûr cela permet d'obtenir des clichés rapidement mais tout le monde aura les mêmes et surtout il n'y aura que peu de satisfaction à les avoir faites, enfin c'est ce que j'en pense.

Et puis j'essaie d'avoir une certaine cohérence entre ce que je pense de la protection de l'environnement et de ma manière de photographier même si comme tout le monde, il m'arrive aussi de voyager pour prendre l'air et satisfaire mon besoin de dépaysement nature.

 

 

Quels sont les photographes qui t’inspirent, ou desquels suis-tu assidûment le travail ?

J'admire le travail de nombreux photographes et en particulier de ceux qui travaillent sur un sujets en le traitant sur les angles les plus larges possibles. Tant d'un point de vue des optiques que de l'approche. Je pense par exemple à Cyril Ruosso et un formidable travail sur les hirondelles et à Laurent Geslin et son travail de longue haleine sur la faune urbaine. Le travail de Christophe Doucet en Scandinavie des aurores aux gloutons en passant par les pygargues et celui de deux photographes Pyrénéens Gregory Ortet et Laurent Nédélec qui pratiquent avec passion un milieu tellement difficile et eux aussi en prenant le temps des rencontres rares mais tellement intenses.

Et puis il en a beaucoup d'autres mais ces pages n'y suffiraient pas !

 

Un avis sur le futur du métier de photographe ?

Un avis, oui bien sûr et il n'est pas très rose ! C'est un métier de passion et en cela il est extraordinaire de pouvoir le vivre, on ne sait pas ce que sont des vacances ou des We puisque tout est bonheur, enfin quand on est derrière l'objectif. Mais cela fait bien souvent oublier aux acheteurs potentiels que c'est malgré la passion un métier. Et en tant que tel, les images doivent être rémunérées au juste prix. Quand on réalise un sujet de fond, les heures passées à se documenter, à prendre des contacts, à repérer les sites et à observer ses sujets sont presque incalculables. Il faut ensuite passer un temps encore incroyable pour photographier du mieux qui soit puis préparer les images ou traiter les demandes. Evidemment que cela a un coût que bien peu d'acheteurs sont près à prendre en compte et de moins en moins. Les déboires de la presse aujourd'hui et la révolution internet et numérique ne font qu'aggraver les choses à tel point qu'il est aujourd'hui bien difficile de vivre de la photographie animalière.

Je pense qu'il est urgent que les photographes de nature s'organisent pour définir ensemble une chartre déontologique et commerciale.

Il faut absolument que la presse comprenne qu'il faut refuser la loi des microstock, comme les super-marchers, quand ils auront fait disparaître tous les photographes, ils fixeront les prix qu'ils veulent et alors là, tout le monde pourra pleurer et sur les tarifs et sur la qualité disparue…

 

Tes récentes expositions, publications ?

Ma dernière exposition fût celle de Montie-en-Der, les dernières publications furent dans Nat'images, un article sur les chauves-souris. Une grande satisfaction de voir aboutir ces longues années de travail sur ce sujet qui me tient à coeur.

 

 

 

De futures expositions, publications ?

Les prochaines seront à Festimages le dernier week-end de Janvier en Mayenne, un festival encore tout neuf où la convivialité règne en maître puis au 6 ème rencontres natur'imagesl de Tignecourt du 9 au 10 avril.

A noter qu'un livre sur le piégeage photographique est éminent.

 

Un projet en cours ?

Énormément de projets, je n'aurai pas assez d'une vie pour les concrétiser tous ! Les chauves-souris dorment mais pas moi, j'ai encore quelques images en têtes à réaliser.

 

Le mot de la fin, quelque chose à ajouter ?

Merci à revue photo pour ainsi donner la parole à de nombreux photographes talentueux mais aussi de nous apporter un tas d'infos matérielles ou autres car on n'a jamais le temps de fouiner et votre webzine nous permet de gagner un temps précieux.

Site Web : http://www.ericmedard.com/

Mail : libresetsauvages@ericmedard.com

 

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