Exposition : Le sujet du portrait par Frédéric Arnaud

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Le photographe Frédéric Arnaud présentera, à L’espace culturel de l’hôpital La Colombière à Montpellier du lundi 21 au mardi 29 octobre de 10h à 18h, une série de portraits de patients schizophrènes et de soignants réalisés à la chambre photographique. Seront également proposés des auto-portraits réalisés par des patientes anorexiques dans le cadre d’un travail de commande du musée fabres.

Exposition montpelier Frederic Arnaud portraitBiographie et présentation de l’exposition par l’auteur

Après des années de pratique amateur de la photographie et une carrière de 10 années en tant qu’infirmier en secteur hospitalier, j’ai décidé d’entreprendre une reconversion professionnelle dans la photographie. J’ai suivi pour cela une formation de deux ans à l’Ecole Supérieure des Métiers Artistiques de Montpellier. Au cours de ma formation je m’oriente rapidement vers la pratique du portrait, avec une attirance particulière pour la photographie argentique et notamment en grand format. Je pratique une photographie directe, souvent frontale, présentant mes modèles avec le plus de franchise et de simplicité possible. Avec une attirance pour le noir et blanc, je ne m’interdit cependant aucune pratique sur le plan technique.

Le travail proposé repose sur une série de dix portraits de personnes en milieu psychiatrique. Patients schizophrènes et soignants sont présents sur ces photographies noir et blanc réalisées à la chambre 4×5’’ et tirées en format 75×95 cm. Les photographies ne sont pas titrées ni légendées par choix. En effet, leur force ne tient pas sur ce qu’elles représentent mais bien sur ce qu’elles provoquent, un titre ou une légende n’auraient pu, dans le cas présent, qu’écarter le spectateur de l’image. Le choix de me diriger vers ce type de population s’est fait de manière progressive. Je souhaitais initialement trouver des personnes capables de se présenter devant l’objectif sans artifices, en toute simplicité. Je n’ai pu que constater la difficulté de cette entreprise. Roland Barthes l’avait relevée avant moi : « […] dès que je me sens regardé par l’objectif, tout change : je me constitue en train de « poser », je me fabrique instantanément un autre corps, je me métamorphose à l’avance en image. »

C’est finalement après un refus auprès d’une structure d’accueil de personnes Alzheimer, que je me suis intéressé à la schizophrénie. Ce n’est également qu’après avoir commencé à travailler sur le sujet que j’ai réalisé la récurrence de cette thématique dans ma vie. J’avais en effet, au cours de mes études d’infirmier rédigé un mémoire sur les représentations sociales de la folie. Pour comprendre cette série, nous pouvons nous tourner, à la fois vers le portrait dans son fondement, dans l’universalité que porte la représentation du visage humain, mais aussi vers le médium photographique dans sa nature indicielle, celle-ci venant renforcer la présence du portrait.

La force qui émane du portrait, une « force tout à fait divine », comme le dit Leon Battista Alberti, est le fait de la peinture et, au sens plus large, de la représentation figurative (photographie incluse). Ses effets étant « de rendre présents ceux qui sont absents, mais aussi, après plusieurs siècles, presque vivants ceux qui sont morts » précise le théoricien. Dans ces phrases célèbres est condensée toute la complexité de l’évidence du portrait. Le portrait appelle à lui le regard qui lui répond en le reconnaissant comme tel. Or cette reconnaissance est de l’ordre de l’identitaire, car ce qui nous est donné à voir, et donc à reconnaître, dans le personnage représenté, est notre semblable. Il partage avec nous l’appartenance à la vie et à la communauté humaine. C’est là le premier aspect de ce travail, le plus évident, il met en jeu la notion d’empathie, avec une identification partielle à la folie de l’autre, qui est appuyée par la brillance du support (le regardeur peut se voir dans les reflets). La force du portrait consiste à introduire, au-delà de la distance, de la mort, ou de la folie, le sujet figuré dans le lieu et dans le temps présent de son spectateur. C’est sur ce point là que notre projet photographique prend son sens. Si l’on accepte la notion d’empathie associée à la force intrinsèque du portrait, la rencontre entre le spectateur et le sujet photographié peut alors se produire. La photographie devient alors le trait d’union entre l’œil et l’image. Susan Sontag dit de la photographie qu’elle est « à la fois une pseudo-présence et une marque de l’absence ». Elle a le pouvoir de donner une présence à la personne représentée tout en signant son absence.

C’est la force d’un portrait photographique, mais n’est-ce pas là également l’un des traits de la pathologie schizophrène ? Ce travail ne présente donc pas seulement des portraits de personnes en institution psychiatrique mais également un certain aspect de la photographie elle même. « A côté de tous ceux qui, dans cette pose qu’est l’existence cherchent à paraître pour être, le schizophrène s’exclut du grand portrait vivant de la famille humaine. Figurant aux traits flous qui dérivent, gommés par la psychose, personnage distrait de la réalité et du présent, dont grimace le délire, seul son visage nous interroge, formulant, de son regard tourné vers l’intérieur, l’énigme de sa présence, et celle de son absence[…]. »

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Une réponse

  1. Grâce à une amie proche de Arnaud, j’ai eu vent de cette exposition et m’y suis rendu ce jeudi 24 octobre 2013. Que ne fût mon bonheur de découvrir cet excellent travail, d’admirer l’étonnante mais combien salutaire de la reconversion professionnelle artistique de l’auteur. Autrefois infirmier, aujourd’hui photographe. Faut oser!

    J’ai eu également l’opportunité de discuter longuement et passionnellement avec l’une des moèles de l’exposition, en la personne de Fanny pour ne pas la nommer. Véritable fille courageuse, qui malgré les moments difficiles endurée dans sa jeune existence, a su trouver la force et le courage pour prendre en main le contrôle de sa vie et avoir suffisament confiance en elle pour une « séance photo pathologique ». A voir ses photos, elle transmet à la fois joie et mélancolie, tantôt gai, parfois morne, l’expression de son visage qu’il faut le rappeller est d’une beauté indescriptible, exprime la dualiuté qui sommeille au fond de nous. Mais combien parmi nous peuvent assez bien l’exprimer naturellement le temps de plusieurs prises? Mon souhait: Que la providence provoque une autre rencontre avec cette dernière, afin que je décrive mieux sa personnalité qui me semble être une énigme.

    Faut également expérer que l’administration hospitalière fera de cette exposition, une application theurapétique afin que l’art et la science s’unissent pour une bonne cause: la santé mentale.

    Encore merci l’artiste, pour toute cette émotion entipathique!

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