Brouillards Surfaces Femme, une exposition collective
Brouillards: photographies de l’artiste estonien Ervin Õunapuu
Surfaces: collages de Maëlys Ichon
Femme à l’éventail: photographies de Tarah Montbélialtz
Tarah Montbélialtz
« Femme à l’éventail » – série de photographies
Ce n’est pas une Lolita maquillée comme une voiture voilée.
Ce n’est pas une Lolita accoutrée en fille publique aguicheuse.
Ce n’est pas une Lolita puisque déjà le modèle n’est pas mineur.
Et malgré ces «imperfections volontaires» – d’autant qu’elle fait jeune – nous voilà inexorablement pris au piège de la nostalgie devant le temps qui passe.
Mais il y a de ces airs… rien à voir avec les névroses et souffrances des Jeux de la poupée de Hans Bellmer.
Mais il y a de ces airs de sensualité évanescente des jeunes filles dénudées de Balthus.
Mais il y a de ces airs… rien à voir avec les mises en scènes mielleuses d’adolescentes de David Hamilton, aux poses langoureuses qui à la longue deviennent ennuyeuses puisque des potiches manipulables à souhait.
On devine une pointe d’ironie dans ces bribes (motifs, coussins, draps froissés, etc.) captées et dépassant la toile de fond, nous plaçant ainsi sciemment au-delà des frontières stériles d’un studio. Cette valeur ajoutée, cette distanciation, ce supplément d’âme, nous permettent de voyager davantage.
Le choix de la lumière naturelle, feutrée, les photos prises systématiquement de biais rajoutent du trouble à un sujet sans fard ni paillette dans le flou du mouvement. Loin de la superficialité et du divertissement nous sommes en fait abandonnés à notre propre inconscient mis à nu (la situation est renversée).
Et malgré le peu de moyens (voile et éventail), la simplicité apparente, malgré une femme vulnérable et fragile, il s’en dégage une force redoutable. La géométrie et l’élégance de la composition nous font presque croire à une jeune femme surprise dans son intimité – dans les fantasmes de la solitude – face à un miroir que nous sommes. Jusqu’à réinventer des plaisirs coupables ?
Nous ne sommes pas dans le morcellement inquiétant de différentes parties du corps mais plutôt dans les variations infinies de la douceur de l’exploration du corps, une volonté éperdue d’un message optimiste.
Ce qui nous déroute aussi c’est le regard sincère et bienveillant de cette muse, le texte ne pouvant le scénariser, la narration en reste résolument énigmatique. Des souvenirs de jeunes filles en fleur aussi innocentes que séductrices ?
Déconcertant ce je-ne-sais-quoi de l’éternel féminin avec La Naissance de Vénus de Botticelli.
Le monde ancien sur ce point en harmonie avec le mode nouveau.
Xaintorxare
Ervin Õunapuu (artiste estonien)
Brouillards, etc – série de photographies
Le personnage principal du roman, Olivia, est condamné à errer de vie en vie, d’une époque à l’autre, d’un espace à l’autre.
« Olivia jouait avec le temps : elle le compressait en une petite boule, l’étirait lentement ensuite pour la ratatiner en un truc difforme et la piétiner. Finalement elle rejeta avec dédain cet instant ainsi créé. Elle pouvait le dilapider et le disperser – dans le tunnel il y avait du temps pour tout et puis ça ne coutait rien.
Olivia était incroyablement riche, du temps elle en avait plus que de l’eau dans les océans et du sable dans les déserts – elle pouvait d’autant plus se permettre de faire avec le temps tout ce qui lui passait par la tête. »
« Elle passait à travers quelques unes de ses vies bien rapidement et facilement tel un poignard transperçant l’horreur. Il y avait des vies qu’elle comprenait en un clin d’œil et par cet éclair elle se précipitait dans un autre cercle, la détresse de la vie précédente encore dans l’âme et le picotement des traînés de larmes dans la bouche. »
Olivia quant à elle est hors du temps, de tout espace, de tout changement, elle persiste : « J’existe partout ! Je suis en toute femme jeune ou vieille ! Je vis malgré vous en toutes ces femmes à jamais, t’entends ! »
Dans cette alternance d’espaces et d’époques Olivia reste identique grâce à sa mémoire, qui renferme en elle toutes les vies précédentes et permet d’évaluer à distance la vie actuelle, d’après l’expérience amassée en comptabilisant la vie actuelle toute instantanée, éphémère, et d’ailleurs se souvenant des vies à venir.
Dans cette connaissance de soi transcendantale consiste précisément la damnation d’Olivia : « Le pire c’est que la mort de la délivrait pas des tourments déjà éprouvés durant la vie précédente. Elle était condamnée à porter le fardeau de la vie précédente même dans la suivante. Dans des vies innombrables après des morts illimitées. »
Extrait du roman « Olivia » de Ervin Õunapuu.
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Dates : 15 novembre au 2 décembre 2016
Lieu : Galerie Art Montparnasse – 2 bis, rue Raymond Losserand, Paris 14e